El Lechon : synecdoque du sandwich cubain

Sophie et Bastien ont ouvert une minuscule sandwicherie d’à peine 26m2 (cuisine comprise) mais prolongée d’une petite terrasse qui mord la chaussée et lui permet de se distinguer parmi les nombreuses autres adresses de restaurants qu’abrite la rue Pierre Fontaine. Le couple de trentenaires a choisi de quitter l’ambiance feutrée et exigeante des palaces, où ils exerçaient respectivement le métier de barman et d’agent de réservation (Paris, Genève, Los Angeles, etc), quelques temps après le covid, mus par une forme de déception d’un côté, face au changement de clientèle, moins sensible à l’étiquette, et interpellés d’un autre côté, par la montée en puissance d’une offre snacking corrélée à de nouvelles attentes du marché. Grands voyageurs et grands amateurs de gastronomie, le concept est né grâce à l’enrichissement culturel qu’ils ont engrangés au cours de leur découverte du monde et l’amour du goût qu’ils partagent également : c’est avec le sandwich cubain, le cubano, une recette peu connue et surtout peu proposée en snacking, qu’ils ont décidé de se lancer.

« On voulait proposer de la street food, avec un côté novateur et exotique, et même si nous avions conscience de la difficulté de se lancer, on voyait un gros potentiel », explique Bastien. Après un marathon à tester toutes les adresses et institutions américaines qui servent des sandwichs cubains, de Tampa à Miami « il faut avoir en tête que c’est un sandwich gras et copieux, mais en plus, cuisiné à l’américaine : donc bien plus riche que ce à quoi nous sommes habitués », ils ont défini les produits à utiliser, testé différentes manières de cuisiner la palette de cochon – el lechon ou cochon de lait, est l’ingrédient traditionnel du cubano– et il leur fallait ce pain, bien particulier « moelleux et croustillant, mais bien riche aussi ».

Tests et compromis

Mais qu’est-ce qu’au juste un sandwich cubain ? « C’est un jambon-fromage hyper protéiné, avec un pain moelleux à la croûte fine, toasté. A l’origine c’est un sandwich d’ouvrier, donc qui tient bien au corps, et qui a été importé en Floride par les émigrés Cubains, et popularisé par le film « Chef (2014) » définit Bastien.

« Pour trouver le bon pain, cela n’a pas été simple : nous avons ramené un pain sous-vide de Miami pour essayer de le reproduire ici. Il a fallu pas loin de quatre à cinq essais, avec la boulangerie Ernest & Valentin, pour trouver le goût et la texture parfaite, sachant que normalement il est réalisé avec du saindoux ! Donc, pour coller au plus près des attentes en matière de goût et de composition, on a opté pour le beurre, et c’est très bien ainsi », raconte Sophie.

Et les tests ne se sont pas arrêtés là. Des accompagnements à la définition des prix des sandwichs, ils ont dû aussi faire la concession d’élaborer une recette végétarienne pour ceux (et celles) qui voient l’ambition trop élevée de manger le cubano, composé de porc effiloché bien juteux (mariné près de huit heures dans une marinade mojo, un mélange d’épices, d’ail, d’origan, jus de citron vert et d’oranges amères), jambon, emmental, pickles et moutarde spéciale. L’effiloché se décline pour la version au poulet, et veggie avec du chou et des frijoles (purée de haricots rouges condimentés).

Croquetas, mariquitas, tostones et salade viennent en accompagnement, et à prix très modique, compte tenu de la préparation en amont qu’impliquent les croquettes à la morue, les chips et l’écrasé de bananes plantain frites. Leur petite entreprise se rôde au fil des jours, le couple besogne dur mais apprécie tant de pouvoir appliquer les belles manières apprises dans les meilleures institutions de l’hôtellerie tout en ayant gagné en échanges naturels et spontanés avec cette clientèle amatrice de bonne street food.

https://www.el-lechonparis.com/